À chaque récit de guerre, aussi sombre soit-il, il y a bon nombre de belles histoires qu’on adore raconter. C’est le cas des quelque 600 taxis parisiens qui ont été réquisitionnés par le Général Gallieni durant la Première Guerre Mondiale.
L’avancée des Allemands et la mobilisation des taxis de la Marne en 1914
Les taxis de la Marne ont marqué l’histoire. Dans une guerre où la propagande était aussi une arme, la presse a fait en sorte que l’opération revête une portée symbolique. On louait le génie de l’improvisation à la française et on célébrait surtout la solidarité nationale où civils et militaires unissent leurs forces pour protéger le pays contre l’envahisseur.
Les taxis en question appartenaient à la Compagnie Française des Automobiles de Place, communément appelés G7, l’immatriculation que leur a donnée la préfecture. C’était la plus importante compagnie de Paris, qui a choisi dès ses débuts en 1905 de faire confiance à la Renault Type AG de 8 chevaux. Banal à cette époque, car constituant les trois quarts des 12 000 taxis, ce deux cylindres de la marque au losange est aujourd’hui une pièce de collection.
Un sexagénaire habitant non loin de la rivière de La Marne est justement tombé sur un d’eux. Il a contacté Domicar, l’annuaire des épavistes en France pour trouver un spécialiste de l’enlèvement d’épaves qualifié et agréé. Une occasion de faire un retour sur l’histoire !
Les taxis G7 dans la légende
Septembre 1914, la France perd du terrain contre l’Allemagne qui lui a déclaré la guerre quelques jours plus tôt, le 3 aout. Les premières batailles démontrent rapidement la supériorité des Allemands. Les millions d’hommes qui étaient amassés le long de la frontière avancent inexorablement. La grande retraite Française est sonnée dès le 23 aout, il fallait défendre à tout prix Paris. Une ligne de défense est constituée dans la Marne.
Le 3 septembre, les troupes allemandes étaient repérées à une quarantaine de kilomètres de Paris. La guerre se trouve maintenant tout près de la capitale lorsque soldats français et allemands s’affrontent le 5 septembre. Le Maréchal Joffre décide de contre-attaquer sur le front de l’Ourcq situé vers Meaux pour porter un coup à l’offensive allemande. Le défi pour l’État-major est alors de trouver rapidement un moyen pour transporter les soldats.
Les trains s’avèrent être vite une mauvaise idée dans la mesure où le réseau dessert mal le front. Par ailleurs les lignes ont été endommagées quelques jours plus tôt par un déraillement. Le 6 septembre, le Général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, choisit les taxis pour rapprocher les soldats basés à Tremblay-les Gonesses du front. Il donne l’ordre de réquisitionner 1 200 taxis dans Paris.
5 000 hommes déplacés
L’idée d’utiliser les taxis durant est soulevée dès que le gouvernement Français a eu vent de l’avancée ennemie sur la capitale fin aout 1914. Il a alors été décidé que si Paris venait à être sérieusement menacée, une réserve permanente de 150 taxis mobilisables à tout moment serait réquisitionnée pour déplacer les archives du ministère de la guerre. Ces véhicules étaient les premiers à être prêts dans la soirée du 6 septembre, ils étaient réunis vers 22 heures sur l’esplanade des invalides. Une centaine d’autres taxis a rejoint la place en plus de quelques bus et de quelques voitures particulières. À minuit, le convoi quitte les invalides pour Tremblay-les Gonesses. D’autres taxis grossissent les rangs en route. À 2 heures du matin, le convoi rejoint les troupes françaises. Il est rejoint une heure après par le Capitaine Roy à la tête de 150 véhicules militaires. Pendant ce temps, la réquisition de taxis se poursuit à Paris. Le 7 septembre, plusieurs centaines de véhicules quittent les invalides dans la matinée pour rejoindre Gagny. Les trois bataillons du 103e sont embarqués pour rallier Silly-le-Long le 8 septembre au petit matin. Le premier convoi parti la veille repart de Tremblay-les Gonesses pour rejoindre dans la nuit l’autre convoi qui est parti de Gagny. Au total, près de 5 000 hommes ont été débarqués à Silly-le-long le 8 septembre.
Une coquette somme à l’époque
Bien que ces véhicules aient été réquisitionnés par l’armée, la course n’en était pas moins gratuite. Une fois les soldats débarqués, ils revenaient sur Paris pour se faire payer. Le tarif avait été enclenché, un tarif pour plus de trois passagers en dehors de Paris. Le calcul était précis, 75 centimes pour les 750 premiers mètres et majoré de 10 centimes tous les 250 mètres. Les arrêts étaient comptabilisés 2.5 francs de l’heure. Les voitures ont parcouru entre 120 et 200 km, celles qui ont le plus roulé ont gagné jusqu’à 130 francs. Au total, le trésor public a payé 70 102 francs. 27% de cette somme est revenue aux chauffeurs, le reste à la compagnie de taxis.